Prisonniers du passage

Cet album s'appuie sur l'expérience de Chowra Makaremi qui a soutenu une thèse d'anthropologie sur la zone d'attente, là où des personnes en attente d'étude de leur dossier sont en France sans y être vraiment. En coécrivant le scénario avec Matthieu Parciboula, elle a retranscrit des faits vécus et des situations réelles.En zone d'attente se retrouvent les personnes qui arrivent en France à Roissy et n'ont pas de papiers ou qui demandent l'asile politique… Il y a des familles, des jeunes gens et des plus âgés dont la demande d'entrée en France va être scrutée par des personnes qui vont tenter de comprendre les motifs de cette demande : danger réel ou immigration économique.L'album est très intéressant même si j'avais déjà eu l'occasion de voir des reportages à la télévision, car une bande dessinée est un média moins froid et sur lequel on peut revenir plus facilement en arrière pour relire une partie. Je suis abasourdie par le fait qu'une personne seule juge de la véracité d'un récit de vie sur lequel sa propre expérience et ses filtres vont forcément jouer. Cet album fait "froid dans le dos" quand on se transpose à la place de ces personnes placées dans un lieu qui n'est pas une prison mais où ils sont enfermés et qui ne parlent pas le français ou peu. Elles attendent un renvoi vers le pays dont elles sont arrivées ou une autorisation d'entrer en France. Le renvoi ne se fait pas forcément vers leur pays d'origine puisque c'est l'origine du vol qu'ils ont pris qui est prise en compte. Selon les réseaux de passeurs, une jeune africaine peut être renvoyée en Ukraine ou une famille irakienne au Brésil…Les dessins en N&B de Matthieu Perciboula sont sobres et beaux. Personne n'est caricaturé dans ces pages même si quelques scènes sont difficiles (mais qui ne sont que des témoignages directs de faits réels). Les personnages sont expressifs.Un album profondément humain et instructif à découvrir.