Gaëlle
de
BDfugue Annecy
J’ai lu cet album au lendemain de la mort d’Hubert. Mesurant ainsi une fois encore son talent inouï de scénariste moderne et malin. Chaque fois que j’ai eu un de ses textes entre les mains, j’en suis ressortie grandie et émerveillée. Peau d’Homme ne fait pas exception, oh non ! Peut-être même qu’Hubert n’a jamais fait mieux en osant mêler joyeusement les thèmes de la sexualité, de la religion, de la découverte du corps de l’autre. Une nouvelle et dernière fois associé à Zanzim qui semble le comprendre comme un jumeau,
les deux auteurs proposent une version inattendue de l’amour à la Renaissance. Un peu comme le fait Féroumont avec Le Royaume, c’est une Renaissance colorée et toute neuve que propose l’illustrateur apportant à cette fantastique histoire tout le peps qu’elle méritait. L’héroïne, Bianca, comme toute jeune femme de bonne famille de l’époque, se voit proposer un mari sans qu’on lui demande son avis. A la grande loterie du mariage, c’est le plutôt jeune et plutôt beau Giovanni qui gagne. Ça ne l’arrange pas plus que ça, puisqu’il aime les hommes mais il est quand même bien content que sa pucelle soit si mignonne pour fanfaronner dans les tavernes. Quelque temps après les résentations, la marraine de Bianca lui fait un cadeau inespéré qui circule dans la famille auprès des femmes depuis des années : une peau d’homme à revêtir. Ainsi revêtue, Bianca devient le superbe Lorenzo et dans, sa peau elle attire tous les regards, surtout celui de Giovanni qui en tombe fou amoureux. Bianca profite de cette peau et des avantages d’être un homme. Sous les traits de ce jeune Apollon, elle passe de folles nuits en compagnie de son futur mari. Ainsi, elle est quand même aimée de lui. Étonnamment, malgré le culot de cette fable, rien n’est jamais choquant et tout paraît censé et bienveillant. Mais Bianca ne va pas pouvoir éternellement jouer le rôle de l’épouse et de l’amant et poursuivra sa vie de femme joyeusement, sans peau mais avec tout ce qu’elle a acquis comme expérience et liberté. Dans le royaume, tout n’est pas que joie et dévergondage pour tout le monde toutefois… Le frère de Bianca, prédicateur à qui l’on prête des visions apocalyptiques, hurle ses pieuses recommandations dans toute la ville. Pendant qu’il combat le vice, sa sœur découvre tous les plaisirs que ses deux corps lui offrent. Non dénué d’humour, cet album compte de nombreuses scènes et dialogues savoureux. Je retiens entre autres, la page dans laquelle Bianca et Giovanni reçoivent moults conseils à propos de la reproduction. Comme pour son ultime héroïne, Hubert nous offre avec cette histoire, la possibilité d’être plus curieux, plus tolérants, plus culottés. Tout comme Bianca a dû faire le deuil de sa Peau d’homme, il nous faut aussi admettre qu’on a perdu un sacré scénariste qui savait saupoudrer des saveurs inédites dans ses histoires.
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