Ne m'oublie pas

Mais quelle superbe surprise ! C'est un album parfaitement juste que nous offre Alix Garin pour sa première histoire.
J'y ai trouvé tout incroyable du début à la fin : l'histoire à la fois triste et rocambolesque, le choix des couleurs douces mais pas mièvres, les illustrations sans fioritures mais avec le strict nécessaire. L'émotion est forte et ne nécessite pas un supplément de décors. On est dans un parfait équilibre et une réussite totale pour cette jeune autrice prometteuse.
C'est donc la 3e BD qui me met au bord des larmes ces derniers jours (avec Dewaere et Oleg).

L'histoire elle est bien, bien amenée, et plutôt bien conclue. Toutefois, si elle ne présente pas une dramaturgie particulièrement puissante, elle mélange avec habileté mélancolie, tristesse et joies. Quelques passages sur d'autres sujets m'ont laissé un peu perplexe tant je les ai trouvé déconnecté du sujet principal, mais c'est probablement une question de sensibilité.

Pour un coup d’essai, c’est déjà un coup de maître ! Ne m’oublie pas s’attache à conter un road-trip ayant comme sujet principal la maladie sans tomber dans le pathos, ce qui est souvent un exercice difficile à réussir. Pour finir, Alix Garin semble offrir une sorte d’introspection, tant sur ses relations familiales qu'à propos des personnes qui gravitent autour d'elle, la trogne de Clémence lui ressemblant d’une manière très réaliste. Le rendez-vous est d’ores est déjà pris pour le second album de cette jeune auteure belge, car personne ne l’oubliera de sitôt !

L’émotion à fleur de peau ne quitte jamais le scénario, et se déploie encore plus facilement dans la légèreté des couleurs et du trait d’Alix Garin, expressif jusque dans la moindre boucle. Non linéaire, le récit se permet quelques allers-retours entre le road-trip en lui-même, le récit de Clémence aux policiers après les faits et d’émouvants flashbacks d’enfance, dans un rythme rendu fluide par des ambiances de couleurs maîtrisées. Avec peu de décors, Alix Garin offre des planches d’une beauté délicate et élégante. Initiatique pour l’une, mémoriel pour l’autre, ce voyage est celui d’une vie. Il ne peut pas laisser le lecteur indifférent.

Clémence est une jeune femme qui n'arrive pas à se résoudre à l'idée de laisser sa grand-mère atteinte d’Alzheimer dans une maison de retraite avec obligation de prendre des médicaments pour éviter qu'elle ne fugue encore. Mamycha c'est un peu comme sa seconde mère, c'est chez elle qu'elle a eu ses plus beaux souvenirs. Alors comme dans un baroud d'honneur contre la maladie, Clémence kidnappe sa grand mère pour l'emmener voir une dernière fois la maison de son enfance. Cette BD, n'est pas une autobiographie mais une fiction mélangée avec son expérience personnelle. Un mélange de road trip à la Thelma et Louise (on ressent véritablement cette influence) et de dérive des sens et de la vie due à la maladie. Et même baignés dans cette fiction on sent la vérité. On ressent tous les sentiments : l'amour immense entre ces deux femmes, la douleur de l'oubli, la tristesse de l'espoir... Oui cette maladie c'est tout ça .. On devient un(e) inconnu(e) aux yeux des êtres chers et d'un seul coup un souvenir, un éclair de lucidité, puis plus rien ou alors des souvenirs qui ne sont plus en lien avec le temps qui passe. Alix a su transmettre tous ces sentiments avec une douceur immense grâce à son dessin et ses couleurs pastels. Mais elle ne s’arrête pas à la maladie ou au road movie, elle nous parle aussi d'exclusion, de différence, d'acceptation de soi et des autres. Je continue dans la galerie des lectures qui me bouleversent peut-être aussi parce que j'ai reconnu dans ces bulles ma grand-mère atteinte de cette maladie mais pas seulement. Alix a su doser son récit avec justesse et intelligence. Cette lecture vient se ranger dans une case de ma tête et je ne suis pas prêt de l'oublier.

Ne m’oublie pas nous fait rêver à la douceur de certains instants et fait espérer qu’il n’est jamais trop tard pour aller jusqu’à l’autre même quand le miroir efface l’image à la surface.